15 November 2012

Réflexions sur “le Chagrin et la Pitié » de Marcel Ophuls


Clermont-Ferrand en juin 1940
Source: Arch. Credit photo: D.R.
En revoyant ce film-fleuve de la France sous l’Occupation allemande, je me suis rendu compte de tous les non-dits de la guerre, de la collaboration sous toutes ses formes, de la persécution, de l’exclusion, de la lâcheté, et du courage qui ont défini la vie de ceux qui se trouvaient en territoire français lors de l’invasion allemande de mai-juin 1940. Quelques exemples :

Claude Levy
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Claude Levy : jeune membre des Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Ses parents furent déportés et ne revinrent jamais. La phrase-clé qu’il prononce : « La France était un pays de camps. » Malheureusement, les historiens n’ont toujours pas repris sa phrase puisqu’ils se contentent de réduire la France concentrationnaire à une vingtaine de camps reconnus officiellement en tant que tels.

Raphaël Gémiani
Source: CyclingTime
Raphaël Gémiani
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Raphael Géminiani : coureur cycliste né à Clermont-Ferrand.

Il nie avoir vu des Allemands en ville sous l’Occupation. Le chef de la Résistance local s’étonne de ses propos, remarquant que les Allemands, leurs casques et leurs plaques métalliques, leurs véhicules étaient omni-présents à Clermont-Ferrand.

Mssrs. Danton & Dionnet
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Les deux instituteurs-Henri Danton et M. Dionnet—qui ne se souviennent pas de discussions dans leur collège provoquées par l’absence soudaine et inexpliquée de leurs élèves, arrêtés par les Allemands pour faits de résistance.

Maurice Chevalier
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Maurice Chevalier qui justifie son voyage en Allemagne en 1941 au cours duquel il chante pour les prisonniers de guerre français. Il nie s’être déplacé à travers l’Allemagne nazie mais n’explique en rien ses activités en France sous l’Occupation, comme si le mal consistait à se rendre volontairement en Allemagne, alors que son activité artistique et culturelle en France sous la botte allemande pouvait se passer de commentaires.
Count René de Chambrun
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René de Chambrun explique que des sacrifices devaient être consentis pour sauver le maximum de vies humaines. Serait-ce donc la justification officielle de la déportation de plus de 76 000 personnes d’origine juive, qualifiées d’étrangères au regard du statut des étrangers vivant en France depuis les années trente ?

Pourquoi ne pas dire ce qui est… on ne voulait pas de ces Juifs. On les a livrés aux Allemands, pur et simple, pour s’en débarrasser.

Marcel Ophuls esquive la question de la collaboration économique et financière se limitant à des commentaires ici et là comme quoi la collaboration pouvait s’expliquer en partie par l’appât du gain et le désir de profiter à titre personnel de l’exclusion des autres. Trop simple…


Mme. Solange
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Marcel Ophuls
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Une coiffeuse, Mme. Solange, s’interroge sur les raisons qui ont conduit à son incarcération dans une prison de Clermont-Ferrand après la guerre. Bien qu’en apparence elle n’ait fait de mal à personne, d’autant qu’on ne le sache, elle fait l’objet d’une dénonciation pour avoir, semble-t-il, contribué à l’arrestation d’un « patriote ». Devant la caméra, elle se déclare pétainiste sans vouloir expliquer les raisons de son adhésion au programme du Maréchal. Elle n’hésite pas à dire qu’elle se considère toujours comme une pétainiste. Alors, pourquoi tant d’ennuis à la Libération ? Apparemment, elle n’a rien compris.

Les deux frères vignerons—Alexis et Louis Grave—décrivent comment ils ont entreposé des armes pour la Résistance dans leur cave à vins près des fûts. L’un deux fut dénoncé, arrêté, torturé, déporté à Buchenwald et libéré après une « marche de la mort. » Désir de vengeance ? Aucun, bien que le frère libéré sache qui l’a dénoncé dans le village où il a toujours vécu…

Alexis & Louis Grave
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Le non-dit de l’Histoire est le refus de dire ce qui fut. Est-ce un mensonge ?